Saint Antoine de Padoue

Fêté le 13 juin

Source : La Vie des saints pour tous les jours de l’Année, tome II, Chez Anisson, Posuel & Rigaud, Lyon, 1684, pp. 553-556.

Ce saint a été extrêmement célèbre par un grand nombre de miracles. Son père portait les armes sous Alphonse, Roi de Portugal, et sa mère était d’une maison considérable. Il fut élevé sagement dans sa jeunesse et une personne qui servait chez lui ayant tenté de le corrompre, il eut tant d’horreur du monde et du mal qui s’y commet, qu’il résolut de le quitter. Il entra dans une maison de Chanoines réguliers de St Augustin, à Lisbonne, ville de sa naissance. Mais comme la plupart de ses proches y étaient, il se trouva incommodé de leurs fréquentes visites, qui ne s’accordaient guères avec cete application continuelle qu’il avait à l’Écriture Sainte, dans laquelle il trouvait un goût qui lui était infiniment agréable.

Il pria donc son Supérieur de lui permettre d’aller dans une autre Maison du même Ordre à Coïmbre. Lorsqu’il y était, il venait souvent à ce Monastère des Cordeliers demander la quête et ayant su ce qui venait d’arriver à l’égard de cinq Cordeliers Martyrs, dont on venait d’apporter les Reliques de Maroc, il leur dit dans le désir de souffrir le martyre, qu’il souhaiterait d’être Cordelier, afin qu’il pût espérer le même bonheur que ces cinq Frères. Les Cordeliers lui promirent place avec joie dans leur Maison qui était proche de celle où il était et ayant obtenu la permission du Supérieur de sortir, quoiqu’il fît de grandes difficultés, il changea son nom de Fernand, en changeant d’Ordre et se fit nommer Antoine.

Son premier désir fut d’accomplir ce qu’on lui avait promis, c’est-à-dire d’aller chez les Mores en Afrique afin de trouver dans le martyre parmi eux l’heureuse mort qu’il souhaitait. Il y passa, mais Dieu le réservait pour autre chose, lui envoya une facheuse maladie qui ne lui permettant point de pouvoir prêcher, l’obligea de se rembarquer pour Espagne : les vents lui furent si contraires qu’il fut contraint de relâcher en Sicile, d’où ayant su que le Chapitre général se tenait à Assise, il s’y rendit pour avoir la bénédiction du grand saint François. Lorsqu’il se trouva ensuite dans les Convents de son Ordre, il eut un grand soin de se cacher sans qu’il parût rien de sa profonde science. Son humilité lui fit désirer de demeurer inconnu partout. Mais enfin malgré lui, on reconnut les trésors que Dieu avait renfermé en lui et on lui commanda d’aller prêcher l’Évangile pour le bien des hérétiques.

Il se soumit à ce joug qu’on lui imposait. Mais il n’abusa point de la prédication, ou pour s’attirer l’estime des hommes, ou pour les flatter dans leurs vices. Il ne pensa qu’à bien représenter aux pécheurs leur état et à faire tout ce qui lui était possible pour les convertir. Quoi qu’il les étonnât en prêchant en chaire, il n’avait pas néanmoins de mépris pour eux. Il les plaignait, il gémissait pour eux, mais il se représentait toujours qu’ils pouvaient devenir saints et que pour lui il pouvait être rejeté de Dieu.

Ce fut pour récompenser cette profonde humilité que Dieu lui fit connaître un jour qu’un homme extrêmement décrié dans une ville de France pour ses débauches, obtiendrait la couronne du Martyre. C’est pourquoi saint Antoine regardant en cet homme, non ce qu’il était, mais ce qu’il deviendrait, il lui faisait de profondes révérences lorsqu’il le rencontrait. Cet homme qui ne savait que ses débauches présentes et qui ne prévoyait pas les grâces que Dieu lui préparait, crut que saint Antoine qui menait une vie si disproportionnée à la sienne, se moquait de lui lorsqu’il le saluait de la sorte et s’en étant mis fort en colère, il le menaça que s’il continuait, il le tuerait. Mais la prédiction que saint Antoine lui fit, nonobstant cela, fut vérifiée dans la suite par le martyre que cet homme endura avec un grand zèle dans la Terre Sainte, où il était allé en Pélérinage.

Toute la vie de saint Antoine était presque une prédication continuelle et on l’avait à ce dessein dispensé dans un Chapitre général, de tout soin et de tout office de son Ordre, afin de n’avoir qu’à penser au salut des autres. Les concours des peuples était prodigieux à ses prédications, mais l’humilité avec laquelle il voyait ce concours était encore plus extraordinaire. Les grandes conversions qu’il faisait le réjouissaient ; mais seulement parce qu’il voyait en cela la gloire de Dieu et le salut des âmes sans penser à la part qu’il y avait.

Enfin après une vie si agissante, et en même temps si pénitente, Dieu étant prêt de l’appeler, il lui mit au cœur le désir de se retirer dans la solitude. Ce fut là que sentant le besoin qu’il avait de travailler pour lui-même après avoir travaillé pour les autres et d’essuyer cette poudre qui s’attache si aisément aux pieds de ceux qui fréquentent le monde, il fit une pénitence sévère dans une retraite très exacte. Et après qu’il se fut purifié de cette sorte, il tomba dans une grande maladie, de laquelle il mourut le 13 de juin, l’année 1231. Il fit beaucoup de miracles après sa mort, comme il en avait beaucoup fait pendant sa vie.