Saint Benoît au mont Cassin

« Le village fortifié qu'on appelle Cassin est situé sur le flanc d'une haute montagne qui s'élargit comme pour le recevoir. Elle s'élève à près de trois milles au-dessus. A son sommet, qui se perd dans les airs, se trouver un temple très ancien où des gens grossiers adoraient encore Apollon, comme les païens d'autrefois. Autour du temple étaient des bois consacrés au culte des démons, où une foule d'insensés continuaient à offrir des sacrifices sacrilèges.

Dès que le saint fut arrivé, il brisa l'idole, renversa l'autel et brûla les bois sacrés. Dans le temple même d'Apollon, il établit un oratoire à saint Martin ; il en dédia un autre à l'endroit même où était le dieu, et se mit à prêcher la foi avec ardeur et persévérance au peuple des environs.

L'antique ennemi ne pouvait supporter ces choses en silence. Il lui apparaissait, non pas secrètement ou en songe, mais sous une forme visible et il se plaignait à grands cris de la violence qu'on lui faisait, tellement que les frères l'entendaient très bien, sans cependant le voir. Le saint abbé assurait à ses disciples qu'il voyait cet ennemi des hommes comme un monstre horrible et furieux qui le menaçait avec la bouche et les yeux enflammés. Ses disciples entendaient seulement ce que le démon disait : il l'appelait d'abord par son nom, et comme l'homme de Dieu ne lui répondait rien, il se répandait alors en injures ; il criait : “Benoît, Benoît !” Et comme le Saint gardait le silence, il ajoutait : “Sois maudit, et non béni ! Que me veux tu ? pourquoi me persécutes-tu ?”

Nous allons voir le démon tenter de nouveaux combats contre le serviteur de Dieu ; mais en voulant lui faire ainsi la guerre, il lui donna, malgré lui, l'occasion de nouvelles victoires. » [1]

Notes :

[1] Saint Grégoire le Grand, _Vie de saint Benoît_, 3e édition, Typographie Saint-Pierre, Solesmes, 1887, pp. 52-54.