« Réfuter le mythe de St. François œcuméniste moderne »

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« Il y a une fameuse histoire de saint François d'Assise qui rencontre le sultan d'Égypte durant la Cinquième Croisade. Le pauvre moine chrétien a recherché une audience auprès du grand chef musulman al-Malik al-Kamil en 1219 pour parler de religion et essayer de s'entendre sur la paix, ainsi que l’entend souvent l'histoire. Aujourd'hui, cet épisode est souvent utilisé pour décrire saint François comme un pacificateur et un partisan du dialogue interreligieux. Par exemple, à la messe célébrant la fête de saint François cette année, j'ai entendu une homélie dans laquelle le prêtre a dit que saint François fournit un exemple de l'œcuménisme avec “nos frères et sœurs musulmans” adopté par le pape François. Ce n'était pas la première fois que j'entendais cette comparaison.

C'est en réalité une histoire si commune qu'elle est devenue quasiment un cliché, du moins chez les franciscains et les œcuménistes : saint François, 750 ans avant le concile Vatican II, anticipait le mouvement œcuménique moderne. Sur la base de cette histoire, un site franciscain américain, conseille aux jeunes catholiques de “demander à votre animateur de paroisse ou à votre professeur d'éducation religieuse d'organiser un déplacement dans une mosquée locale. Parlez avec les musulmans pour mieux comprendre leur foi et priez avec eux.” Mais le compte rendu historique suggère qu'une telle interprétation est au mieux anachronique, et probablement complètement ahistorique. Il est douteux que saint François avait à l'esprit l'idée moderne de l'œcuménisme ou du dialogue interreligieux lorsqu'il traversa les lignes de bataille et entra dans la tente du sultan. Que s'est-il réellement passé lors de cette rencontre en 1219, et quel est le sens de cette rencontre pour les catholiques et les musulmans aujourd'hui ?

Un nouveau film, “The Sultan and the Saint” [Le Sultan et le Saint], une production indépendante de la Unity Productions Foundation, qui met en scène cette histoire, est prévu de sortir en novembre 2016. Je suis tombé sur une publicité pour le film dans le bulletin d'information nationale de l'ordre franciscain séculier des États-Unis, “TAU-USA”, demandant un soutien financier pour achever le film et encourageant les lecteurs à le voir. Le Franciscan Action Network [Réseau d'Action Franciscain] a également participé avec enthousiasme au projet et aide à le financer.

Le contenu exact et le message du film ne seront révélés que lors de la prermière projection publique. Mais en se basant sur l'annonce promotionnelle et la documentation sur la page internet du film, il semble qu'il y ait une bonne raison de remettre en question l'authenticité historique du film et la validité de son interprétation de la rencontre. Par exemple, le contenu promotionnel cite des “faits” spécieux sur les croisades, insinue qu'elles furent initiées par des chrétiens pour des raisons malfaisantes, et fait cette déclaration sans fondement, à savoir que saint François “s'est opposé à la guerre.” Advertising from Xavier University dit que la rencontre entre le saint et le sultan “extirpa le venin des croisades”, comme si les chrétiens avaient tort.

Je ne suis pas une autorité historique ou théologique. Je suis juste quelqu'un qui a lu au sujet de la vie de saint François. Espérons que de vrais historiens et experts donneront une analyse approfondie des forces et des faiblesses du film. Mais les sources que j'ai consultées suggèrent que le message de ce nouveau film, comme le cliché de saint François qui “tend la main aux musulmans” dans un geste d'œcuménisme, est au mieux une distorsion ou une mauvaise lecture de l'histoire et, au pire, carrément un mensonge. Comme le note P. Augustin Thompson, OP, dans son acclamé Francis of Assisi: A New Biography [François d'Assise : une nouvelle biographie] (Cornell University Press, 2012), “tandis que les écrivains modernes la redéfinissent souvent” - la rencontre de François avec le sultan - “comme une prédication pacifiste et anti-guerre, les vrais motifs paraissent très personnels, et non visionnaires ni idéologiques.” Comme P. Thompson l'explique, François “a ignoré la question des messages des dirigeants de la Croisade et est allé droit au but. Il était un ambassadeur du Seigneur Jésus-Christ et était venu pour le salut de l'âme du sultan. François a exprimé sa volonté d'expliquer et défendre le christianisme.” François a rendu clair qu'il était prêt à mourir pour ses croyances.

La vérité, donc, est que le but de saint François était d'évangéliser les musulmans. Il était inspiré par Dieu pour prêcher l'Évangile au sultan...

Saint François recherchait la paix, oui - mais pas par des négociations politiques ou un traité légal, ou par le compromis de sa foi en échange de la coexistence avec l'islam, mais en convertissant les ennemis de la foi au christianisme. Il ne dialogua pas avec le sultan dans le but limité d'améliorer la compréhension mutuelle ; il voulait sauver l'âme du sultan en lui offrant la Bonne Nouvelle, ou mourir la mort d'un martyr en essayant. Et il était raisonnable de s'attendre à ce qu'il fût tué pour sa foi, puisqu'une doctrine fondamentale de l'islam, à la fois à l'époque et de nos jours, est que les musulmans sont obligés soit de tuer, de convertir ou de soumettre totalement tous les non-musulmans à l'islam.

Dans son livre Francis of Assisi: A Biography [Saint François d'Assise : une biographie], Omer Englebert nous dit qu'immédiatement après son retour de sa visite avec le sultan, saint François apprit que cinq frères franciscains avaient été martyrisés au Maroc. En passant par l'Espagne maure, ils étaient entrés dans une mosquée et dénoncèrent le Coran. Ils dirent au chef local : “Nous sommes venus vous prêcher la foi en Jésus-Christ, afin que vous renonciez à Mahomet, ce malfaisant esclave du diable, et ayez la vie éternelle comme nous.” En entendant ce rapport, saint François s'écria : “Maintenant je peux vraiment dire que j'ai cinq frères mineurs !”

Saint François était avant tout un catholique fidèle, un fait qui est parfois mis de côté par des représentations de lui comme un œcuméniste moderne. Dans la Première Règle des Frères Mineurs (n° 19), il écrit : “Que tous les frères soient catholiques; qu'ils vivent et qu'ils parlent en catholiques. Si l'un d'eux vient à s'écarter de la foi et de la morale catholique, en parole ou en action, et s'il ne se corrige pas, il sera définitivement expulsé de notre Fraternité.” Dans sa Lettre à tous les fidèles, il conseille : “Nous devons aussi jeûner et nous abstenir des vices et des péchés et d'une surabondance de nourritures et de boissons, et être catholiques. ... Et nous savons tous avec certitude que personne ne peut être sauvé si ce n'est par le Sang de notre Seigneur Jésus-Christ et par les saintes paroles du Seigneur que prononcent et annoncent les clercs ; qu’ils distribuent et qu’eux seuls administrent, et nul autre...”

Saint François était un homme de paix, mais il n'y a pas de preuve qu'il se fût opposé aux croisades. L'idée que les croisades étaient contraires à la spiritualité franciscaine est démentie par le fait que l'un des chefs des croisades suivantes fut saint Louis IX, le roi de France, un tertiaire franciscain qui est maintenant saint patron de l'Ordre Franciscain Séculier. De toute évidence, lui et l'Église ne voyaient aucune contradiction entre la foi et la morale chrétiennes, ou les principes franciscains, et mener une guerre défensive contre les musulmans. Le monastère franciscain des clarisses à Assise fut même attaqué par les musulmans en 1240 et défendu avec succès par sainte Claire en personne.

En fin de compte, le rapport montre bien que saint François fit un effort extraordinairement courageux en se rendant à al-Kamil, qui aboutit à une relation personnelle unique entre les deux hommes. Il séduit le sultan par sa simplicité et son authenticité et obtint un passage sûr pour un pèlerinage en Terre Sainte. Mais son “rayonnement” était une tentative missionnaire de propager la foi, et non un dialogue interconfessionnel tel qu'il est généralement conçu aujourd'hui. »